On disputait un soir dans une réunion sur l'éxistence des sorciers.
Les avis étaient partagés, chacun soutenait le sien avec chaleur; mais un jeune homme mit plus d'ardeur que les autres et se moqua vivement des prétendus sorciers, de ceux qui y croyaient.
Insensiblement le monde s'écoula et cet antagoniste de la magie resta seul avec un autre individu qui, pendant le cours de la dispute, s'était tenu constamment dans un coin; il avait paru écouter attentivement sans dire un mot.
Celui-ci s'approcha du jeune homme et lui dit d'un air sérieux
" -Monsieur, vou ne croyez pas aux sorciers?
-Non,certainement et je n'y croirait jamais!
-Et si l'on vous prouvait leur existence!
-Cela n'est pas possible et je défie qu'on m'en donne la preuve.
-J'accepte le défi. Vous sentez-vous le courage de me suivre?
Vous n'avez rien à craindre et vous serez convaicu.
-Je le veux bien, mais je vous assure que vous n'y gagnerez rien.
-C'est ce que nous verrons."Ils sortirent ensemble. L'inconnu conduisit le jeune homme à la rue Saint-Denis; là, il le fit entrer dans une maison obscure et le fit monter à un quatrième étage.
Il ouvrit une porte et invita son compagnon à entrer. Celui-ci hésitait et son compagnon lui dit
"-Soyez sans crainte, et si vous doutez de moi, prenez ce pistolet et fouillez-moi!"
Le jeune homme se décida. Bientôt, à la lueur d'une bougie que l'autre alluma, il vit qu'il était dans une petite chambre noire, où il n'y avait qu'un lit, quelques chaises et une table, dont la surface présentait une large ouverture ronde et sur laquelle étaient posés un couteau et un verre d'eau.
L'inconnu ferma la porte qui avait, outre une serrure, deux verrous. Il prit le couteau, en ficha la pointe contre la porte et appuya sa tête contre le manche qu'il tenait à la main.
Après quelques moments de silence, il dit à l'autre de regarder par le trou au centre de la table et de n'en pas bouger sans son avis.
" -Que voyez-vous?
-Un brouillard épais qui paraît se dissiper... Ciel! Je vois la place publique de X... Je la reconnais, elle est remplie de monde qui semble se réjouir.
-Regarder plus attentivement encore.
-J'aperçois M. de S... mon intime ami qui s'y proméne et qui se mêle à ce moment à un groupe.
-C'est bon, dit l'inconnu en quittant sa position et en s'avançant vers le jeune homme; croyez-vous maintenant aux sorciers?
-Non je n'y crois pas et je n'y croirai jamais, malgré ce que je viens de voir; c'est une illusion qui ne peut m'inspirer aucune confiance.
-Il vous faut donc d'autres preuves? Prenez donc ce couteau et enfoncez-le dans ce verre d'eau"
Le jeune homme obéit, cela ne produisit rien.
"Donnez un coup violent" , lui dit-on.
Aussitôt dit,Aussitôt fait. Le couteau perça le fond du verre qui parut à l'incrédule une peau tendre qu'il avait perçée, mais le couteau fut retiré par lui rempli de sang.
Il fut saisi d'horreur
"Vous m'y avez forcé, lui dit l'inconnu en ouvrant la porte et en le congédiant. Dans quelque instants vous aurez de mes nouvelles; d'ici là vous feriez des recherches inutiles.
Souvenez-vous seulement de la date d'aujourd'hui et qu'il est onze heures et demie du soir."
A ces mots, sans vouloir l'entendre, ni même lui permettre de regarder sous la table, il le força à sortir.
Le jeune homme, étonné, n'eut rien de plus pressé que d'aller faire sa déclaration à la police.
On se rendit en toute hâte rue Saint-Denis, on monta à la chambre dont la porte était fermée à clef et qu'on enfonça; elle était vide, il n'y avait que la table, le verre d'eau et le couteau sanglant.
La table était percée aux quatre coins, outre le grand trou du centre, à travers lequel on ne vit rien.
Le verre d'eauentrait dans un des quatre trous des angles, l'eau était claire. Le résultat des informations fut due cet inconnu avait loué cette chambre depuis un mois, mais qu'il s'y enfermait chaque soir toujours avec soin, qu'il ne voyait personne et que le jour même il avait payé son logement, en annonçant qu'il partait dans la nuit, mais il avait emporté la clef.
Toutes les perquisitions furent infructueuses. On assure que, quelque temps après, on apprit que le même jour, à la même minute indiquée par l'inconnu, M. de S... étant sur la place X... un jour de réjouissances, avait été frappé d'un coup de couteau, sans qu'on pût découvrir l'assassin.
On ajoute même que les dimensions de la blessure indiquaient une lame pareille à celle du couteau trouvé dans la chambre de l'inconnu.
On ne dit pas si le jeune incrédule fut cette fois convaincu de l'éxistence des sorciers.
source: "grimoire de magie noire et rouge" de andrax berith